Magazine Décideurs Publics –

Depuis 18 mois, le marché de la dette se caractérise par le retour d’une abondante liquidité et la
réapparition de la concurrence entre prêteurs seniors, ce qui s’est traduit par la baisse des marges et
l’allongement des durées de dette.
Malgré cette conjoncture financière favorable, les projets nouveaux tardent à sortir et les acteurs
économiques utilisent la dette senior pour créer ou reconstituer des marges de manœuvre
financières propices au maintien ou au développement de leur activité.
Le refinancement destiné à saisir des opportunités est ainsi devenu un sujet d’actualité à côté des
refinancements relevant davantage de la contrainte que du choix.
De manière générale, le refinancement consiste à modifier le mode de financement originel d’un
projet ou d’un actif. Cette modification peut prendre différentes formes : le refinancement d’une
dette senior par des fonds propres, le refinancement d’une dette senior par une dette senior
moyennant certains aménagements de celle-ci, le refinancement de fonds propres par une dette.

Le refinancement nécessaire et impératif : une contrainte à lever.

C’est traditionnellement le cas le plus « habituel » de refinancement et probablement le plus utilisé
en gestion de projet.
La définition et la mise en place d’un refinancement sont souvent nécessaires dans les cas suivants :
-le business plan d’un projet ne se réalise pas ou pas bien, et les recettes du projet sont inférieures
à ce qui était prévu. Ce peut être le cas pour les projets concessifs, qui sont exposés par définition à
un risque sur le volume de la demande et/ou qui sont sensibles aux modalités d’exécution d’un plan
d’affaires. Dans cette hypothèse et dans le meilleur des cas, si le porteur de projet peut démontrer
que les flux de trafic constatés, bien qu’inférieurs aux prévisions, sont pérennes et permettent de
rembourser la dette moyennant la définition d’un nouveau profil d’amortissement, le refinancement
consistera à procéder à ce reprofilage de la dette (par allongement de l’amortissement ou son
sculptage ligne à ligne en fonction des cash flows et d’un ratio de couverture cible).
Cela dit, le reprofilage peut se révéler parfois insuffisant et dans ce cas, le refinancement sera celui
de la dette par des fonds propres ou quasi fonds propres.
-La dette initiale destinée à financer le projet implique dès l’origine l’existence d’un refinancement.
Cette technique de financement se retrouve régulièrement dans le cadre de projets de concessions.
Ce fut le cas pour des projets autoroutiers ou les premières générations de projets de réseaux haut
débit, pour lesquels les dettes seniors mises en place à l’origine du projet avaient une durée courte
et un profil d’amortissement très lent avec une importante valeur résiduelle en fin de vie (technique
de la mini perm). La durée de ces dettes était courte par rapport à la durée du projet ou la durée de
vie des actifs financés (dette sur 7 ou 10 ans maximum pour un projet d’une durée de 25 ans ou
plus). Le profil de cette dette initiale avait le mérite de ne pas trop peser sur les business plans des
projets en phase de montée en puissance au moment où les recettes d’exploitation n’avaient pas
encore atteint leur niveau de plein potentiel.

En contrepartie, l’organisation d’un refinancement était impérative au terme de ces mini perm et
constituait un vrai risque pour les porteurs de ces projets. Si une nouvelle dette senior n’était pas
trouvée ou pas trouvée dans des conditions compatibles avec les équilibres financiers du projet, les
investisseurs de la société de projet concernée devaient accepter voire s’engager à refinancer par
fonds propres (à titre définitif ou temporaire). Les miniperm qui arrivaient à échéance entre l’été
2011 et l’été 2012 ont connu ce genre de difficultés et il a fallu attendre 2013/2014 et le retour de la
liquidité sur les marchés de la dette pour finaliser en dette senior ce type de refinancement.

Le refinancement : une opportunité d’améliorer les marges de manoeuvre financières d’un
projet

Sur la base d’une analyse précise de l’encours existant et des besoins futurs d’une société, il est
possible d’identifier des pistes d’optimisation de la dette existante et de les mettre en œuvre en
profitant de la bonne conjoncture financière.
L’enjeu est d’identifier dans la dette existante deux sujets : les éléments d’encours dont le profil de
remboursement futur pourrait peser (car non cohérents) sur les cash flows futurs, le deuxième
élément porte sur les conditions financières de la dette existante et sur la capacité à la renégocier
sans générer des frais dont le montant rendrait l’opération de refinancement sans intérêt. Dans ce
cadre (qui conduit à sélectionner les prêts sur lesquels le travail de renégociation sera opportun), et
grâce aux logiques de sculptage et d’allongement de la dette autant qu’à la modification des
conditions de taux et de marge des prêts, il est possible de réaliser des refinancements permettant
de dégager des gains financiers.
Ces approches sont particulièrement adaptées pour les acteurs économiques dont l’activité les rend
emprunteurs structurels et dont la dette existante n’a pas été « protégée » (ou pas trop) par leurs
prêteurs.

Enfin, le refinancement peut être une source d’optimisation des marges de manœuvre financières
d’un acteur économique qui a réalisé de nombreux projets dont le financement initial a été constitué
exclusivement ou essentiellement par des fonds propres ou quasi fonds propres. Dans ce cas-là,
l’enjeu est de mettre en place un levier de dette plus important, permettant de dégager
(rembourser) des fonds propres qui pourront être réinvestis dans le développement futur de
l’entreprise (par développement de projets nouveaux et/ou par opérations de croissance externe)
et/ou utilisés pour soutenir des projets dont les réalisations commerciales sont soit en phase
d’amorçage, soit plus lentes ou moins bonnes que prévues. Les concessions de réseaux (eau et
assainissement, chaleur, très haut débit etc…) constituent un terrain très favorable à ce type de
démarche. Cette approche est aujourd’hui appréciée et recherchée par les prêteurs seniors. Elle a le
mérite de baisser globalement le coût de financement des projets et d’améliorer le TRI des
actionnaires pour autant que ceux-ci aient la possibilité de réinvestir sans délai les fonds ainsi
dégagés.